Les inventaires prospectifs

Afin d’assurer une gestion sûre à long terme des matières et déchets radioactifs, les différents acteurs concernés (décideurs, Andra, exploitants d’INB, évaluateurs, société civile, etc.) doivent disposer d’une vision à moyen et long terme des volumes de matières et déchets radioactifs à venir selon différentes stratégies ou évolutions possibles de la politique énergétique française. Cette projection vise à apporter des éléments pour anticiper et prendre les mesures adaptées afin d’assurer une continuité en termes de disponibilités d’entreposage et de stockage, sans présager des choix industriels qui pourraient être faits. 

Pour cela, l’Andra réalise des évaluations et des inventaires prospectifs, sur la base des déclarations des industriels de la filière électronucléaire, qu’ils soient producteurs de déchets et/ou détenteurs de matières. La vision prospective présente les données issues de différents exercices. 

Elle intègre en premier lieu l’évaluation des volumes de matières et de déchets radioactifs réalisée pour les installations actuellement autorisées, sur différentes échéances de temps selon des scénarios contrastés de politique énergétique issus de la Programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2028 (PPE2) en vigueur. Cette évaluation correspond à celle réalisée périodiquement dans le cadre fixé pour la réalisation de l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs.

Afin de couvrir l’impact sur la gestion des matières et déchets radioactifs de l'ensemble des orientations de politique énergétique, elle est complétée par : 

  • les éléments issus de l’analyse d’impact des déchets radioactifs générés par le potentiel déploiement de six réacteurs électronucléaires supplémentaires de type EPR2, étudiée par l’Andra à la demande de Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) dans le cadre du projet de Nouveau nucléaire français (NNF) ; 
  • une analyse qualitative des enjeux liés à la poursuite d’exploitation des réacteurs jusqu’à 60 ans, réalisée par l’Andra spécifiquement pour cette édition de l’Inventaire national.

Les évaluations prospectives de l'Inventaire national des matières et déchets radioactifs

Réalisées tous les cinq ans, les éditions de l’Inventaire national présentent les inventaires prévisionnels détaillés de matières et déchets selon différents scénarios prospectifs. Cet exercice est encadré par plusieurs textes règlementaires et prend en compte le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Il est réalisé pour les installations disposant de leur autorisation de création et considère des scénarios qui déclinent la PPE2 en vigueur. Les scénarios sont établis de manière concertée, dans le cadre du PNGMDR qui, en tant qu’outil de pilotage de la gestion des matières et déchets radioactifs, prend en compte les grandes orientations de la PPE en vigueur afin de s’assurer que les orientations qu’il définit en matière de gestion des matières et déchets radioactifs sont compatibles avec la stratégie nationale en matière d’énergie. 

Comme pour l’édition précédente de l’Inventaire national , ces scénarios couvrent différentes évolutions contrastées de la politique énergétique : poursuite de la production électronucléaire selon différentes stratégies de retraitement du combustible ou arrêt de la production électronucléaire.

Plus précisément, ces scénarios sont construits autour des grands principes suivants, qui déclinent la PPE2 : 

  • poursuite de la stratégie de retraitement jusqu'à l'horizon 2040 ; 
  • prise en compte de différentes stratégies de traitement-recyclage des combustibles usés : arrêt du retraitement, mono-recyclage et multi-recyclage en REP puis en RNR ; 
  • renouvellement du parc : les scénarios stipulant un renouvellement du parc prennent l'hypothèse d'une absence de nouveau réacteur de type EPR2 avant 2035 ; 
  • fermeture des réacteurs existants : fermeture de deux à quatre réacteurs sur la période 2025-2028, puis fermeture de un à deux réacteurs de 900 MWe par an à leur cinquième visite décennale en vue d’atteindre 50 % de part du nucléaire en 2035.

Les scénarios ainsi définis, en intégrant d’une part la PPE2 et d’autre part les différentes orientations de politique énergétique que le PNGMDR demande de prendre en compte, évoluent par rapport aux scénarios définis dans l’Edition 2018. 

Le scénario S1 de l’Edition 2023 est un scénario de renouvellement du parc électronucléaire par des EPRs puis des RNR et prend comme hypothèse le multi-recyclage en REP puis RNR. Il constitue une mise à jour des scénarios SR1 et SR2 de l’Edition 2018 (qui ne différaient que par la durée d’exploitation des réacteurs). S1 est désigné comme scénario « SR1 » dans le PNGMDR

Le scénario S2 de l’Edition 2023 est un scénario de renouvellement du parc électronucléaire par des EPRs uniquement et prend comme hypothèse le mono-recyclage. Il constitue une mise à jour du scénario SR3 de l’Edition 2018. S2 est désigné comme scénario « SR3 » dans le PNGMDR

Le scénario S3 de l’Edition 2023 est un scénario de renouvellement du parc électronucléaire par des EPR uniquement et prend comme hypothèse l’arrêt du recyclage. Il constitue une variante du scénario SR3 de l’Edition 2018 en cela qu’il prévoit le monorecyclage pendant une durée limitée seulement avant un arrêt du retraitement. S3 est désigné comme scénario « SR3 arrêt du retraitement » dans le PNGMDR

Le scénario S4 de l’Edition 2023 est un scénario de non-renouvellement du parc électronucléaire. Il constitue une mise à jour du scénario SNR de l’Édition 2018.


Autres évaluations prospectives

En 2021, l'État a mené une analyse des conditions techniques et économiques d'une décision de construction de nouveaux réacteurs nucléaires de grande puissance de technologie EPR2. Cette analyse, qui s'inscrivait également dans le cadre de la PPE2, a été réalisée au travers du projet de Nouveau Nucléaire Français (NNF) et a conduit la Direction Générale de l'Énergie et du Climat (DGEC) à demander à l'Andra d'analyser l'impact des déchets radioactifs générés par le potentiel déploiement de ces réacteurs pour les filières de gestion à long terme, opérationnelles ou en projet.

Cette étude visait à étudier la faisabilité de principe du stockage des déchets radioactifs générés par le projet NNF au regard des enjeux de sûreté à court et à très long terme, sur la base des données transmises par EDF, incluant des prévisions de production de déchets, et considérait l’ensemble des catégories de déchets liés à l’exploitation et au démantèlement de ces installations : TFA, FMA-VC, MA-VL et HA. 

L'Edition 2023 de l'Inventaire national apporte également un éclairage complémentaire relatif à l’allongement de la durée de vie des réacteurs du parc actuel jusqu’à 60 ans. Il ne préjuge cependant pas de la position de l'ASN quant à la poursuite d'exploitation de ces installations. 

En ce qui concerne les small modular reactors (SMR), la PPE2 demandait également d'engager la réalisation d'études d'avant-projet permettant notamment de mieux évaluer le potentiel de ces technologies. Ces technologies font actuellement l'objet de nombreux travaux, soutenus notamment par l'appel à projets en soutien aux réacteurs nucléaires innovants de France 2030.

L'édition 2023 de l'Inventaire national n'intègre cependant pas d'élément relatif aux déchets qui seraient produits par des réacteurs de type SMR. En effet, les perspectives de déploiement de tels réacteurs ne sont, à ce jour, pas encore définies de manière suffisamment précise pour réaliser un exercice prospectif. Ce sujet reste suivi étroitement par l’Andra qui échange avec les porteurs de projets de type SMR et AMR (advanced modular reactor) de façon à les inciter à identifier la nature, la catégorie et la volumétrie des déchets radioactifs qui seraient produits, et ce, dès les phases initiales des projets. Ces échanges permettent de sensibiliser les porteurs de projets sur la nécessaire prise en compte de la gestion des matières et déchets radioactifs et sur les données qu’ils auront le jour venu à transmettre à l’Andra pour identifier les filières de gestion pour leurs déchets radioactifs. Comme dans le cas du projet NNF, des études dédiées pourront être réalisées pour certains réacteurs dans le cadre de la préparation de leur décision de création. Ces éléments seront intégrés dans les éditions suivantes de l’inventaire national au vu de l’actualisation du développement de ces réacteurs.